LE
JOURNAL DU PROGRAMME DE LIBÉRATION DU MARSOUIN COMMUN
Volume 4 Automne 2002
Une fois de plus, nous avons
assistés à une année réussie pour le Programme
de libération du marsouin commun. Nous tenons à remercier
tous ceux qui ont participé au succès du programme lors de
notre douzième saison.
Les
marsouins
Cette année, nous
avons libéré 31 marsouins des filets à hareng autour
de Grand Manan, ce qui représente environ 12% du nombre d’animaux
sauvés l’an dernier. Un total de 53 marsouins fut enregistré
dans les filets de Grand Manan, avec la plus grande majorité se
retrouvant à Flagg’s Cove. Parmi ces 53 individus, 15 ont
sortis d’eux-mêmes, 31 furent balayés hors du filet, 3 sont
morts durant la mise en place de la seine et le sort de 3 d’entre eux demeure
inconnu. Ces résultats démontre que notre taux de réussite
est de 31/34, soit un peu au-dessus de 91%.
La moyenne générale
du taux de réussite lors des onze dernières années
fut de 94%. Nous avons effectué 24 opérations de sauvetage
en 2002, dont huit fois à l’aide de la seine à hareng, treize
fois grâce à la seine à mammifère verte, et
trois fois avec la nouvelle seine noire. Nous avons retrouvé
des marsouins dans les filets à hareng tout au long de l’été,
c’est-à-dire du 9 juin au 28 septembre. La majorité
des captures ont eues lieu en août avec 30 individus, alors qu’environ
5 se prirent dans les filets en juin, 7 en juillet et 11 en septembre.
Les
données récoltées
À partir des
31 animaux libérés, nous avons pu recueillir des données
biologiques sur seulement 30 d’entre eux (un individu s’est échappé
hors de la seine). Nous avons donc sauvés 16 mâles et
14 femelles. Parmi ceux-ci, on comptait 5 nouveaux-nés (nés
en mai), 7 jeunes et 18 adultes.
Le
plus grand (femelle de 163 cm de long) et le plus petit (son veau, un mâle
de 86 cm) marsouins libérés cette année, furent attrapés
en même temps le 2 juillet. Sur la nageoire dorsale de chacun
des 30 animaux, nous avons attachés une étiquette numérotées.
Les étiquettes se retrouvent à l’extrémité
de la nageoire sur les mâles et à la base de celle-ci sur
les femelles. Cette année, les étiquettes sont oranges
pour les mâles et vertes pour les femelles, alors qu’elles étaient
jaunes pour les mâles et rouges pour les femelles en 2001.
Nous avons pu mesurer le poids de 16 marsouins. Le plus massif de
ceux-ci fut une femelle de 62 kg (136 livres), capturée le 28 août.
Les trois marsouins n’ayant pas survécus représentaient différentes
classes d’âge et consistaient d’un veau mâle, d’un adulte mâle
et d’une jeune femelle. En se basant sur ces trois individus, ainsi
que ceux qui sont morts lors des années précédentes,
il est possible d’affirmer qu’aucun âge particulier n’est plus vulnérable
à la mortalité lors des opérations de sauvetage.
Évaluation
au niveau de la santé
Nous avons utilisé
des moniteurs de rythme cardiaque (utilisés entre autre par les
athlètes professionnels, photo à droite) pour mesurer le
rythme cardiaque des marsouins, apprendre sur leur physionomie et comment
le stress les affecte pendant le sauvetage. Nous utilisons la longueur
et la circonférence pour obtenir une idée générale
de la condition des marsouins en terme de corps gras. Il est avantageux
d’être gras pour un marsouin!
Nous avons aussi relevé
des échantillons sanguins à partir de 15 marsouins. Ces échantillons
sont utilisés dans le cadre d’une étude à long terme
sur la santé de leur population. De plus, ils nous permettent
d’évaluer la santé de chacun de ces individus en comptant
le nombre de cellules rouges et blanches dans le but d’observer le transport
d’oxygène et de détecter les signes d’infection. Les
niveaux d’enzymes nous permettent aussi d’obtenir de l’information sur
la fonction des organes et les niveaux hormonaux nous informent sur le
stress subi par les marsouins et lorsqu’une femelle est enceinte.
Les échantillons prélevés en 2002 n’ont pas encore
été envoyés au Collège vétérinaire
d’Ontario pour les analyses chimiques.
L’année
dernière, nous avons prélevé des échantillons
sanguins sur 57 marsouins. Des huit femelles qui étaient assez
larges pour être considérées comme adulte, les niveaux
de progestérone dans leur sang indiquaient qu’elles étaient
toutes enceintes. (Sur la photo, on aperçoit une femelle accompagnée
de son veau.)
Les renseignements obtenus
sur les marsouins de la Baie de Fundy sont aussi utilisés par des
facilités de réhabilitation dans d’autres coins du monde
en tant que points de références pour les valeurs sanguines
et de masses corporelles normales des marsouins communs sauvages.
Par exemple, l’Aquarium de New England a travaillé tout l’été
à la réhabilitation d’un jeune marsouin qui s’était
échoué au Massachussets en mai 2002. Cet individu a
retrouvé sont poids normal, ainsi que sa santé, et il sera
remis en liberté dans quelques semaines.
Les
étiquettes satellites
En général,
nous avons l’opportunité de poser des étiquettes satellites
sur plusieurs individus. Ces étiquettes nous permettent de
suivre les mouvements des marsouins grâce à des signaux transmis
par satellite.
Malheureusement, seulement
un de ces étiquettes satellites a pu être émis cette
année et a échoué deux semaine plus tard, alors que
le marsouin se trouvait encore autour de Grand Manan. L’année
dernière, nous avons pu en déployer quatre. Deux d’entre
elles ont durées deux mois et demi et les deux autres ont fonctionnées
pendant dix mois. Ces derniers ont révélés que
les marsouins en question ont passé l’hiver dernier dans le Canal
de Grand Manan, ce qui est d’ailleurs hors du commun. La plupart
des marsouins que nous avons suivis par satellite migrent vers le sud dans
le Golfe du Maine à l’automne ou au début de l’hiver.
Ces faits démontrent à quel point chaque saison et chaque
individu sont unique.
Quoi
de neuf en 2002?
L’année dernière
fut un record pour le Programme de sauvetage des marsouins communs, avec
un total de 310 individus observés dans les filets à hareng
de Grand Manan. Parmi ceux-ci, 51 sont sortis d’eux-mêmes et
244 furent libérés. Notre taux de réussite,
même avec tant d’animaux, était tout de même impressionnant
avec un taux de survie de 94,6%. Nous avons effectué 102 opérations
de sauvetage avec l’utilisation de la seine à mammifère,
parfois quatre à six fois par jour. Il est souvent
arrivé de retrouver de trois à six, ou même douze ou
treize, marsouins à la fois dans un filet. Il fut impossible
d’identifier les facteurs associés aux emprisonnements de l’an dernier
(marées, lumière de la lune, etc.) puisque plusieurs marsouins
se sont pris dans les filets chaque nuit. Personne ne peut se souvenir
ou a entendu parlé d’une telle année par le passé.
Ce fut certainement un été hors du commun.
Due au grand nombre de marsouins
pris dans les filets lors de l’été 2001, il était
impossible de savoir à quoi s’attendre en 2002. Notre deuxième
année la plus intense fut en 1993, lorsque nous avons observés
153 marsouins dans les filets et 113 furent libérés.
Le nombre d’emprisonnements en 1992 et 1994 étaient de 72 et 77,
respectivement. Nous pensions donc que le nombre de marsouins pris
dans les filets serait cyclique. Dans ce cas, nous aurions encore
été extrêmement occupés cette année.
Apparemment, il est plus difficile de prédire les tendances des
marsouins que celles du hareng dont ils se nourrissent. Cette année,
nous avons aperçu seulement un sixième du nombre de
marsouins observés l’an dernier dans les filets à hareng
autour de Grand Manan et nous avons effectué des opérations
de sauvetage sur 34 individu, soit un huitième du nombre de l’an
dernier.
Il fut surprenant, après
avoir étiqueté 214 marsouins en 2001, de n’avoir observé
aucun de ces animaux dans les filets cette année. Nous avons
par contre aperçu quelques un nageant plus particulièrement
autour de Whistle Rip. Sur la photo de gauche, nous ne pouvons
identifier que les deux premiers chiffres 7 et 0, puisque le dernier chiffre
était couvert d’algues.
Que s’est-il donc passé
en 2001? L’année dernière semble avoir été
un changement général où les marsouins se sont rapproché
de la côte. Il s’avère possible que les marsouins pris
dans les filets soit directement relié à la distribution
du hareng. Les marsouins sont de petits animaux qui doivent demeurer
près de leur source de nourriture. Il se peut qu’ils ciblent
une taille spécifique de poisson qui se trouvait plus près
du rivage l’été dernier. Une autre possibilité
est qu’il s’agisse de facteurs tout autre. Il est tout simplement
impossible de prédire ce qui risque d’arriver chaque année
ou pourquoi les marsouins se déplacent d’une telle manière.
D’une année à l’autre, nous en apprenons davantage sur ces
animaux.
Autres
visiteurs
En plus des marsouins, les
filets à hareng de Grand Manan ont reçu des visiteurs de
plus grande taille cette année. Nous avons noté un
petit rorqual en juillet et quatre baleines à bosses en septembre.
Toutes ces baleines furent libérées avec succès.
Les quatre baleines à bosses étaient de jeunes individus,
(photo ci-dessous).
Les
petits rorquals sont peu fréquent, mais il arrive qu’ils se prennent
dans les filets. Chaque été, nous en retrouvons deux
ou trois, avec un total d’au moins 26 au cours de la dernière décennie.
Quant aux baleines à bosses, elles se prennent rarement dans les
filets. Avant 2002, nous avons eu connaissance de huit événements
de la sorte. Les baleines à bosses (ainsi que les grands rorquals)
se rapprochèrent souvent de la côte de Grand Manan pendant
la nuit dans les années passées, mais lors des derniers étés,
ils n’ont pas été aperçus près de la terre
ferme.
On peut supposer que, tout
comme pour les marsouins, les mouvements des baleines à bosses dans
la baie sont aussi liés à la distribution du hareng alors
que d’autres facteurs peuvent être responsable de la présence
de ces baleines dans les filets cette année.
La
seine à mammifère
Due à la grande demande
pour la seine à mammifère l’an dernier, une nouvelle seine
fut construite au cours de l’hiver grâce aux fonds fournis par DFO
à travers le Grand Manan Fishermens Association. Cette nouvelle
seine est plus longue (250’) et plus profonde (65’) que la seine verte
(210’ x 52’) et la mèche est un peu plus large (8’’ au lieu de 4’’).
Jusqu’à présent, la seine noire fut utilisée cinq
fois, dont trois fois pour libérer des marsouins et deux fois pour
balayer les baleines à bosses hors du filet. Les mèches
plus large du filet noir représentent une manière très
efficace de retirer les marsouins (ainsi que les autres animaux indésirables)
des filets à hareng sans affecter la capture de hareng.
De plus, l’utilisation de
cette seine réduit de façon signifiante le taux de mortalité
des marsouins. Les mortalités cette années sont survenues
lors de l’utilisation de la seine à hareng, alors que tous les marsouins
ont survécus aux opérations de sauvetage à l’aide
de la seine à mammifère. Au cours des dix dernières
années, le taux de survie des marsouins libérés grâce
à la seine à mammifère fut de 97,5%. Quant à
la seine à hareng, ce taux n’est que de 81,6%. Ce taux de
survie élevé est due à une combinaison de plusieurs
facteurs incluant la bonne visibilité de la ficelle, la présence
moindre de poissons qui confondent et désorientent les marsouins,
et la tendance qu’ont les ficelles en trop de flotter à la surface
de l’eau au lieu de former des poches et des replis en profondeur.
Les
marsouins aux nouvelles!
Une
équipe de tournage du Canal D nous ont visité pendant quelques
jours en août pour filmer un documentaire sur le programme de sauvetage.
Ils ont pu obtenir d’excellentes prises de vues lors du sauvetage, à
l’aide de la seine à mammifère, d’une mère et son
petit et de trois autres marsouins.
Cette émission sera
diffusé lors d’une série sur la faune au Canal D anglophone
(« Discovery Channel ») de février 2003. Portez
aussi une attention particulière cet hiver, puisque l’on y trouvera
un article sur les marsouins et le hareng de la Baie de Fundy dans le «
National Geographic » entre février et mai 2003.
Les marsouins communs ont
aussi passés aux nouvelles locales de la rive de Digby. De
plus, le « Berwick Register » a raconté l’histoire de
deux marsouins qui se sont pris dans des filets à Morden, N.-É.
le 24 août. David Hamilton a pu secourir les deux individus
sans problèmes en disant qu’ils ont même étés
très « coopératifs ». Il semble peu commun
de retrouver des marsouins pris dans des filets dans la région de
Digby puisqu’il s’agissait d’une première fois pour M. Hamilton.
Merci
à nos commanditaires
Chaque année, le Programme
de sauvetage des marsouins communs reçoit des fonds pour l’essence
des bateaux, le coût des seines, du bateau et de l’équipement
nécessaire et pour le logis et le remboursement des dépenses
du voyagement de l’équipe de sauvetage. En 2002, nous avons
reçu le support financier de Connors Brothers, Whale and Dolphin
Conservation Society U.K., des Fonds international pour la protection des
animaux, et le Programme d'intendance de l'habitat des espèces en
péril du gouvernement du Canada. Nous avons aussi reçu
des dons privés de la part d’individus. Il serait impossible
de mettre à terme ce projet sans l’aide de nos généreux
commanditaires et nous les remercions grandement.
Cet
hiver…
Pendant l’hiver, l’équipe
de sauvetage se retrouve éparpillée un peu partout.
Laurie Murison habite à Grand Manan tout l’hiver et elle peut répondre
à vos questions et s’occuper de la correspondance au Centre de recherche.
Andrew Westgate travaille sur son doctorat à Duke University en
Caroline du Nord. Il étudie la structure des populations des
espèces de dauphins qui sont communes dans le Nord Ouest de l’Atlantique.
Sarah Wong vient juste de commencer une maîtrise sur les macaques
à l’université d’Alberta à Calgary et va passer beaucoup
de temps en Guinée l’été prochain. Rob Ronconi
a aussi déménagé à Calgary et il pense débuter
un projet de maîtrise sur les oiseaux marins. Aleksija Neimanis
travaille comme vétérinaire dans une clinique à Toronto.
Heather Koopman est chercheuse en post-doctorat pour Woods Hole Oceanographic
Institution à Cape Cod et passe la plupart de son temps à
travailler sur les lipides au laboratoire de Dalhousie University à
Halifax. |